"Quand on a parlé du fait qu'ils sont encore plus paranos que moi, ce n'était ni une plaisanterie ni une hyperbole.
- Je suis convaincu de l'inverse. Tu es plus parano qu'eux, pas par rapport à la vie en général, mais par rapport à eux, justement. Tu crois que quand je veux parler de quelque chose à ma mère, je me tâte pendant une semaine pour savoir si c'est bien, puis j'hésite une autre semaine avant de lui en toucher un mot, et quand je me décide enfin on en parle 5 minutes et c'est fini ? J'ai un ami qui a passé des semaines à échanger des mails avec son père, pour statuer sur les choix qu'il avait fait dans sa vie. Ils ne sont jamais tombés « d'accord », mais ils sont arrivés au point ou son père a dit "ok, je comprend et j'accepte, même si je ne pense pas comme toi". Par ce que tout parent sait qu'on a besoin de faire des erreurs pour avancer, et il l'a laissé essayé cette voie qu'il n’approuvait pas. C'est ça l'accord parental, c'est un lutte, un guerre des idées et des idéaux. Tout le monde n'a pas la chance d'avoir des parents qui prennent conscience « tout seuls » de l'évolution de leurs enfants, c'est un dialogue, une relation sur le long terme, qui permet cette évolution. Pas un : « Au fait maman je peux sortir ce soir ? - Non t'es privée de sortie – Ok tant pis ». Ça c'est ce que le monde a fait des relations parents-enfant, mais c'est TELLEMENT faux.
Pour citer un autre cas, une journée entière à parler devant la cheminée de ce que j'allais faire de mes vacances. Et pas « Est-ce que je peux inviter des copains à la maison ? - Oui/non/demande à ton père ». Une vraie discussion de fond sur les raisons qui me poussaient à vouloir partir de cette manière, sur ces rencontres sur le forum, etc. Une conversation argumentée, bilatérale. Tes parents ne te connaissent pas. Ils ne savent pas qui tu es, qui tu veux être. Juste ce que tu veux faire là maintenant quand tu leur demandes. Ils ne saisissent pas la cohérence entre leur vision de toi erronée par des années de silence, et ce que tu demandes. T'es soudainement plus leur petite fille adorée, mais une vraie personne.
Mais c'est pas la forme qui définit les rapports entre les gens, c'est le fond : J'en ai rien à foutre de savoir si ce soir tu te couches à 22 ou 23h. Quand je te parle là je m'interroge sur ce que tu penses de la vie, des autres, tes valeurs, tes buts, ta philosophie. Des choses que je connais pas sur toi, mais qui me permettent de t'apprendre. Pourquoi moi, illustre inconnu, je ferais ça ? Et pourquoi tes parents, eux, se préoccuperaient de l'heure à laquelle tu te couches, et pas de ça ? Ça te semble pas bizarre ?
T'es grande maintenant, tu commence à savoir comment la vie fonctionne, c'est plus à eux de décider de ta vie, quelle-qu’en soit l'échelle. Et si tu dis à tes parents : « Mon but dans la vie c'est X, et mes moyens pour y arriver c'est Y », ils vont pas répondre « Oh mon dieu mais tu vas te coucher une heure plus tard que ce qu'on avait décidé, ça va pas du tout ! ». C'est du fond que vous allez discuter. J'ai les mêmes discussions avec mes parents qu'avec des amis, des vrais. Le genre de discussion où on discute d'égal à égal, et qu'on se remet en question ensemble. T'en es loin je suppose :P
- Ils ne sont pas dans ce genre de considérations métaphysiques, dirons-nous.
- Ils n'y sont pas ? qu'est-ce que t'en sais ?
- Vagues expériences de lancement de discussions sur ce genre de piste.
- Vagues expériences de lancements. Essaye "franche discussion directe", tu verras, c'est plus efficace en général.
- Vagues expériences signifie expériences peu concluantes.
- J'ai vu ta mère, et c'est pas le genre de personne à être fermée à ce genre de sujets. Je dis pas qu'elle aura de la facilité à les aborder, mais c'est pas non plus le genre de personne à répondre « par ce que c'est comme ça » à toutes les vraies questions de la vie. Montre-lui juste que t'es en age de penser à ce niveau là.
- Ce qui est joyeux, c'est que tout le monde me dit ça au sujet de mes parents. Et à chaque fois j'ai beau expliquer qu'ils sont aux antipodes de leur personnalité hors du cercle familial et dans le cercle familial. J'ai toujours cru que c'était quelque chose de commun à toutes les familles.
- C'est comme ça dans toutes les familles. Mais penses-tu que si ta mère est capable d'en discuter avec des « extérieurs », elle n'est pas capable d'en discuter avec toi ? Rappelle-lui que tu es un humain à part entière. Sa fille, pas juste son enfant. Le rôle de parent évolue avec l'enfant."
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire