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13 décembre 2012

La manipulation.

Ce cours est directement tiré du mien, lui même tiré des publications de Beauvois et Joule, et mes exemples sont tirées d’expériences réalisées dans des conditions scientifiques, et publiées - donc approuvées par la communauté scientifique. Si certains ont lu les livres dont je tire mes sources, et particulièrement le petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens, rappelez vous que ce n'est pas du plagiat, juste une retranscription simplifiée. Et j'assume parfaitement le fait de ne rien avoir inventé. Il y a même certains passages directement recopiés du livre ou de mon cours, alors bon ^^'

I. Pièges de la décision


Il est essentiel de se rendre compte que nous ne sommes pas totalement libres de nos choix dans la vie de tous les jours. Il existe un nombre incalculables de facteurs se répercutant sur nos activités de décision, et voici les six principaux :

  • La consistance comportementale
  • l’engagement
  • L’effet de gel
  • L’escalade d’engagement
  • La dépense gâchée
  • Le piège abscons

La théorie de la consistance comportementale, c’est le fait de regarder le passé pour prédire les agissements futurs d’une personne. En règle générale on accordera par exemple moins de crédit à un ancien prisonnier rangé, simplement à cause de son passé, quand bien même il ne serait plus du tout le même homme. Dans la société, de nombreuses décisions tiennent compte du passé de notre interlocuteur, même si celui-ci n'a pas de conséquences sur la situation. C'est le cas par exemple de l'emploi (on regarde votre CV pour savoir ce que vous avez fait, pas ce que vous savez faire).

Toutefois, tenir compte de ses facteurs peut-être une grossière erreur. En effet, l’engagement peut nous faire prendre des décisions différentes de celles du passé. Nous pouvons même décider une chose et son contraire dans des situations semblables. Par exemple, si quelqu’un nous demande de surveiller une valise, il y a 95% de chance que nous stoppions le voleur qui essaye de la subtiliser. Par contre, si personne ne nous demande de surveiller la valise, nous ne sommes plus que 20% à arrêter le voleur. Pourtant, les situations sont sensiblement identiques. La seule différence est l'engagement : On a pris la décision de faire quelque chose, alors on le fait. Le fait est qu'on a pas réellement pris cette décision : Il nous aurait été difficile pour ne pas dire impossible de répondre non à quelqu'un nous demandant de surveiller une valise alors que rien ne nous empêchait directement de le faire. C'est un cas typique de manipulation : on obtiens de nous une réponse qu'on est sur d'avoir dans le but de favoriser un comportement, lui beaucoup moins sur.

L’effet de gel est l’adhérence à une idée lorsque c’est la nôtre. Quand on a nous même une idée, et qu'on se rend compte qu'elle ne fonctionne pas, ou moins bien que prévu, nous avons tendance à vouloir réessayer avec la même idée, simplement par ce qu'il est difficile de revenir sur une décision. On peut observer cet effet dans de nombreuses situations, des exemples viendrons par la suite. Cet effet est amplifié si nous avons pris cette décision devant quelqu'un, ou au sein d'un groupe. (Expérience du jeu de la mort, expérience de Milgram, etc. : On choisit de participer à un jeu / une expérience / autres, et on ne renvient pas en arrière, même si l'on regrette sa décision, alors que rien ne nous retiens)

L’escalade d’engagement est un phénomène qui consiste à s’accrocher à une décision initiale même si elle ne s’avère pas bonne par la suite. Une personne va faire une escalade d’engagement si c’est elle-même qui décide du premier engagement. Exemple : lorsque l’on se balade en forêt et que l’on se trompe de chemin, si on ne s'en rend pas tout de suite compte, on préfère continuer en croyant approcher du but plutôt que de faire demi-tour. Ce qu'on peut retenir, c'est qu'une escalade d'engagement à lieu quand on est le décideur de l'action initiale, qu'on perdrait tout la dépense engagée en renonçant, et qu'on a l'impression de se rapprocher de l'objectif au fur et à mesure qu'on dépense plus, que l'atteinte du but n'est pas certaine, et l'on a pas fixé de limite au départ.

La dépense gâchée est une escalade d’engagement avec une décision initiale coûteuse. Si nous investissons beaucoup dans une décision, nous avons plus de chance de persévérer dans cette décision coûteuse au lieu de prendre une autre décision moins coûteuse. Nous n’écoutons pas notre bonne raison. L’investissement peut être un coût d’énergie, de temps ou d’argent. La décision finale sera encore un effort et contraire à notre propre plaisir, ce qui peut paraître absurde. Exemple : vous achetez un vin à 200€. Vous le goûtez : il n’est vraiment pas bon. Allez-vous jeter la bouteille ? Non! Il y a même de grande chance pour que vous finissiez de la boire, alors qu'il n'est pas bon...

Pour résumer, on dira que ces trois comportements sont des pièges abscons. Ce sont des phénomènes irrationnels qui consistent à prendre une succession de décisions coûteuses en pensant à chaque fois que l’on va compenser les pertes précédentes. Il y a 2 facteurs pour sa mise en place :


  • On s’engage dans un processus coûteux (pour atteindre un but incertain) qui ne pourra s’arrêter qu’à notre propre décision.
  • On ne peut pas, à priori, fixer de limite à notre investissement. Pourtant on a l’impression que chaque dépense nous rapproche de notre but.



Exemple le plus flagrant ? Attendre un bus en retard. On commence à l'attendre, et on se rend compte qu'il ne vient pas. Alors on se dit qu'il pourrait arriver dans 5 minutes, et on attends. Il n'est toujours pas là. Encore 5 minutes ? Ça serait bête qu'il arrive juste après que j'ai renoncé. Etc. Dans cet exemple, le piège abscons est une escalade d'engagement. La seule solution pour se sortir de ces pièges, c'est de si fixer une limite avant de commencer. "S'il n'est pas là dans 10 minutes j'y vais à pieds".
Pour éviter les pièges abscons, il faut se fixer des limites.

On note ici deux principes importants : Les pièges abscons et l'engagement. Voilà deux bons moyens de modifier le comportement d'un individu. Ici, on parlait de cas ou l'individu se prend tout seul dans ces pièges -auto-manipulation-, cela dit, il est facile de passer de l'auto-manipulation à la manipulation. Il suffit de quelques stratégies bien pensée, et voila la victime enfoncée dans une piège dont elle ne peut sortir, et pire, elle ne s'en rend pas compte, puisqu'elle à l'impression d'y être allée d'elle même. Comment arriver à ce résultat ? C'est ce que je vais expliquer dans les prochains chapitres ^^.

II. L’amorçage


L’amorçage est une technique qui consiste à faire miroiter des bénéfices fictifs ou à cacher des défauts à une personne pour qu’elle prenne une décision. Une fois cette décision prise, la personne est informée de la réalité des coûts et bénéfices réels de ce qu'elle s’apprête à faire (ne pas le faire est de l'escroquerie, parfaitement illégal). Seulement, la personne avait déjà pris sa décision. Effet de gel. Voilà la personne tombée dans un de nos pièges abscons, il y a de fortes chance qu'après avoir prit connaissance des vrais facteurs qui auraient du influencer sa décision, la personne ne revienne pas dessus, alors que le bon sens voudrait que si. Il y a plus de chance que la personne persévère dans son choix même si on lui montre que les bénéfices n’existent plus.

Pour que cette technique fonctionne, il faut que la décision d’amorçage soit une décision libre et non une décision forcée. Il ne faut donc pas utiliser la persuasion ou l’argumentation pour arriver à cette première décision.

La personne manipulée considère alors que c’est sa décision et non celle de quelqu’un autre. A cela se rajoute le sentiment de responsabilité personnelle, qui favorise l'effet de gel. Le principal problème de cette technique est qu’elle nécessite, dès le départ, un mensonge. En moyenne, grâce à l’amorçage, on peut doubler les réponses positives obtenues.

Exemple : Vous rentrez dans un magasin pour acheter une machine à laver. Le vendeur vous annonce que les machines à laver TIPTOP sont à -50%. Vous remarquez que cette machine n’est pas la meilleure mais avec cette promotion, c’est vraiment la moins chère du marché. Vous décidez donc de l’acheter. Arrivé en caisse, on vous annonce que cette promotion exceptionnelle était seulement pour les 10 premiers clients… et pourtant vous êtes plus susceptible d’accepter d’acheter cette machine…

Si vous arrivez à faire dire un OUI à quelqu’un et qu’ensuite vous lui donnez le coût réel; même en ayant connaissance du cout, après coup, il aura plus de facilité à redire OUI.

L'autre avantage de cette technique, c'est que la personne aura pris deux fois la décision de dire oui ! Et ainsi, sera deux fois plus engagée dans cette décision, ce qui aura pour conséquence d'augmenter -encore- l'effet de gel. Cela sera très utile par la suite, quand nous apprendront comment les techniques de manipulations s'articulent les unes les autres.

Afin de déjouer cette manipulation, il faut apprendre à revenir sur ses propres décisions.

Un technique dérivée de l’amorçage et encore moins morale est la technique du leurre. Le but est d’attirer la personne avec un avantage puis de retirer cet avantage pour lui proposer quelque chose de plus coûteux. L’atout principal de cette technique est d’attirer des personnes qui ne seraient jamais venues si le leurre n’avait pas été mis en place. De plus, cette technique augmente le taux d’acceptation de la personne.

Exemple ? Laisser traîner en vitrine d'un magasin un modèle qui n'est plus en vente, mais bien en rupture de stock depuis longtemps. La personne qui entrera dans le magasin apprendra que l'article n'est plus disponible. L'avantage ? La voilà dans votre magasin, au milieu de toutes ces choses à acheter, avec entre les mains l'argent qu'elle comptais dépenser 5 minutes plus tôt. Il y a alors de très fortes chance qu'elle achète autre chose dans ce magasin, même si elle ne serait jamais venu uniquement dans ce but.

III. Théorie de l'engagement


"La persévération d’une décision est liée au sentiment de liberté. Plus on se sent libre dans la décision, plus on a de chance de persévérer dans cette décision initiale."

Voila un des énoncés de la théorie de l’engagement. Elle dit qu’il existe un lien entre l’individu et ses actes (Kiesler 1971).

La théorie de l’engagement stipule deux choses :

  • Seuls les actes nous engagent. Un acte peut être totalement différent de nos idées.
  • On peut être engagé à des degrés divers suivant nos actes.

Il existe différentes manières de manipuler l’engagement :

  • Faire un acte en public renforce l’engagement.
  • Réaliser plusieurs fois le même acte. C’est l’engagement dans la répétition. (comme dans le cas de la technique de l’amorçage)
  • Jouer sur le caractère irrévocable de l’acte.
  • Opposer des actes coûteux à des actes qui le sont moins.
  • Accompagner l’acte d’engagement avec un sentiment de liberté de choix.

Ce dernier point est le plus important.
Le sentiment de liberté se mesure à deux facteurs :

  • Vous serez plus engagé dans votre acte si on vous offre une récompense (renforcement positif) pour votre acte que si on vous pointe une arme à feu dans le dos (renforcement négatif).
  • Vous serez plus engagé si le renforcement (positif ou négatif) est faible que s'il est fort. Il va de soi qu'on est plus libre d'agir quand on décide de faire quelque chose sous la menace de perdre 5€ que sous la menace d'une arme.

Dans les systèmes hiérarchiques, le sentiment de liberté est biaisé. C’est ce qu’on appelle la soumission librement consentie. Par exemple dans le couple enseignant-élève, l’élève sait ce que veut le prof. Il fera donc des actes qui ne sont pas forcément conformes à ses idées, pour satisfaire le prof, même si celui-ci ne l'a pas demandé. Ainsi, avec le recul, il aura l'impression d'avoir agi de son plein gré, et pas par soumission, alors que si le prof lui avait explicitement formulé la demande, il aurait l'impression d'avoir été forcé, et sera moins engagé dans son acte.

C’est pour cela qu’il faut faire attention à ne pas associer un acte à un individu. Si un individu agit sous la menace ou l’appât du gain, son acte est bien plus éloigné de lui que s'il agit réellement de son plein gré. La seule chose, c'est qu'on vient de le voir, il est possible de faire croire à quelqu'un qu'il agit de son plein gré !

Bien. On sait maintenant ce qu'est l'engagement. Mais quelles sont ses conséquences ?

Il existe 2 types d’acte :

  • Les actes non problématiques : ceux conformes à nos idées et motivation,
  • Les actes problématiques : ceux non conformes à nos idées et motivation.

Agir de manière non problématique renforcera nos idées et nos motivations dans se sens -on parle d'attitudes. Plus on est engagé dans cet acte, plus nos attitudes seront renforcées.

À l'inverse, agir de manière problématique renforce également nos attitudes, mais dans le sens de l'acte effectué, et toujours de manière proportionnelle à l'engagement. Si on fait de manière totalement engagée quelque chose de contraire à nos attitudes, alors ce seront nos attitudes qui changeront pour se conformer à nos actes.

L’essentiel à retenir, c'est que ce n'est pas nos attitudes qui entraînent nos action, mais bien l'inverse !

Pour ceux qui ne comprennent pas, ou voudraient en savoir plus, il serait pertinent de se renseigner sur la théorie de la dissonance cognitive cognitive, qui explique scientifiquement ce phénomène. Il est également possible, grâce à ce principe, de changer nos propres attitudes. En effet, agir spontanément dans un sens opposé à nos attitudes et réagir comme si ce qu'on venait de faire nous plaisait aura pour effet de modifier les attitudes associées. C'est une principe de base, c'est en réalité un peu plus compliqué, je vous laisse la aussi vous renseigner. (Auto-manipulation, théorie de la dissonance cognitive, PNL, etc.)

IV. La technique du Pied-dans-la-porte


La technique du pied dans la porte consiste à demander une action peu coûteuse à une personne pour ensuite lui demander la véritable action finale qui, elle, est plus coûteuse.

Il existe deux types de pied dans la porte :

  • celui avec demande explicite. C’est le pied dans la porte classique.
  • celui avec demande implicite.

L’action peu coûteuse rend plus probable l’acceptation d’une action similaire. Il faut donc demander une action qui doit avoir un taux d’acceptation proche de 100% (comme la valise tout à l'heure. C'est une application directe de la théorie de l'engagement).

Voici le déroulement d’un pied dans la porte :

  1. Demander une action avec liberté de choix car cela facilite l’engagement et on s’approche du taux des 100% d’acceptation.
  2. Demander une action plus coûteuse.


Voici les ingrédients pour mettre en place un bon pied dans la porte :

  • La première requête ne doit pas être trop lourde. Elle doit être peu coûteuse et non problématique. Plus la justification est faible plus la personne semble impliquée dans son choix (si elle ne voit aucune raison extérieure, ou du moins peu de raisons, elle s’attribua un plus grand rôle dans cette décision).
  • Cette requête ne doit pas être imposée. Il faut laisser une entière liberté de choix à l’autre, sans aucunes d’obligations.
  • Il faut que la requête demande un minimum d’implication sinon il n’y a pas d’effet de persévération. Le petit coût assure un minimum d’engagement.
  • Le délai entre le comportement préparatoire et le comportement attendu doit être de entre 7 et 10 jours maximum. Aucune recherche n’a été menée avec succès au delà de ce délai.
  • Il est nécessaire que la personne manipulée relie les 2 requêtes d’une manière ou d’une autre.
  • Les deux requêtes peuvent être formulées par une seule personne ou deux, cela n’a pas d’importance.
  • L’acte préparatoire ne nécessite pas d’être absolument réalisé. (proposer quelque chose à quelqu'un, attendre qu'il accepte, et lui dire que finalement ça ne se fera pas a exactement le même effet sur l'engagement que la réalisation de l'acte en lui même.)
  • Les deux requêtes formulées ne sont pas nécessairement semblables.

Tout cela ne garantit pas une acceptation à 100% mais cela augmente considérable ce taux d’acceptation.

Les méta-analyses menées depuis 1983 montrent que le pied dans la porte est un effet sûr même s’il n’est pas très puissant.

L’exemple classique de pied dans la porte est celui de l’homme qui vous accoste dans la rue :

"Avez-vous l’heure s’il vous plait monsieur?
- Oui, il est 16h30.
- Merci beaucoup. Est-ce que vous auriez un euro, j'ai besoin de passer un coup de fil ?"

L’homme, par la technique du pied dans la porte, a beaucoup plus de chance d’obtenir de l'argent que s’il vous avait demandé directement sa véritable requête.

V. La technique de la Porte-au-nez


La technique de la porte dans le nez consiste à demander l’impossible à une personne pour ensuite lui demander la véritable action finale qui, elle, est moins coûteuse. La première requête doit être une demande couteuse mais pas ridicule, ni incongrue ou déplacée. Simplement, il serait inconcevable de l'accepter.

Les deux requêtes doivent être formulées dans l’intervalle de temps le plus bref possible et par une seule et même personne. Il n’y a aucune explication vraiment valable pour ça, mais l’idéal serait d’utiliser la porte dans le nez en face à face. Cette technique est moins efficace par courrier ou téléphone.

Si on compare la technique du pied dans la porte et la technique de la porte au nez, il semblerait qu’elles soient aussi efficaces l’une que l’autre, par contre la technique du pied dans la porte est une technique plus douce que celle de la porte au nez.

La particularité de cette technique est qu'elle ne s'explique ni par la théorie de l'engagement, ni par aucune autre. Elle fonctionne, mais personne n'a encore trouvé d'explications...

Exemple : Votre patron vous demande si vous pouvez rester ce weekend pour travailler sur un dossier important. Vous refusez poliment en expliquant que vous avez des obligations ce weekend-là. Votre patron est un peu déçu mais il comprend car, lui aussi, il a une famille. Soudain, il a une super idée : “Par contre, vous pourriez rester jusqu’à 21 h jeudi et vendredi pour m'aider tout de même à l'avancer ?” A ce moment-là, il y a beaucoup plus de chance que vous répondiez par l’affirmative.

En fait, dès le départ, votre patron voulait que vous restiez travailler tard mais s’il vous avait fait cette requête en premier, il aurait surement essuyé un refus de votre part.

VI. Autres techniques de manipulation


Il existe bien d’autres techniques de manipulation. Voici les principales (je ne détaille pas le fonctionnement en raison de la taille que ça prendrais, mais google pourra le faire pour moi si vous voulez en savoir plus) :

La technique du toucher :
Cette technique consiste à tout simplement toucher rapidement l’avant-bras de la personne à influencer. Cette technique agit, en termes d’influence, sur les plans évaluatifs, de la motivation, relationnels et psychologiques, et fait aussi parti des gestes de la séduction.
Elle modifie notre jugement et notre humeur et donc favorise l’acceptation.
Il faut faire attention à ne pas regarder dans les yeux en plus du toucher car cela est trop intime et produirait l’effet contraire.

La technique du pied dans la bouche :
Cette technique consiste à simplement demander “Comment ça va ?”, ou quelque chose de similaire avant de formuler sa requête. La personne interrogée répond naturellement “Ça va.” et augmente ainsi son taux d’acceptation de 10 à 15% !

La technique de la crainte puis soulagement :
C’est la technique que l’on voit dans les films policiers : celle du bon flic et du mauvais flic.

L’idée est de créer une peur chez la personne manipulée puis de faire disparaître cette peur pour la remplacer par notre requête finale. Exemple : vous prêtez votre voiture à votre fils. Ce dernier vous laisse un message sur le répondeur en disant qu’il a eu un accident avec votre voiture, qu’il va bien mais que la voiture est en mauvaise état. Vous le rappelez, il ne répond pas et vous vous imaginez le pire… Quand votre fils arrive, vous constatez qu’il ne s’agit qu’un peu de tôle froissée. Soulagé, vous oubliez de gronder votre fils.

La technique de l’étiquetage :
Cette technique consiste à donner une caractéristique de la personne (ce qui peut être considéré comme de la flatterie) afin de jouer sur cette caractéristique pour lui demander quelque chose.

Exemple : “Vous, vous êtes quelqu’un de généreux ça se voit. Justement pourriez-vous faire un don à notre association?”

Pour qu’elle fonctionne, il faut choisir un étiquetage bien précis pour l’effet attendu. Cette technique est plus efficace que la persuasion. Et elle est aussi efficace sur les enfants que sur les adultes. C’est plus ou moins un compliment.

L'avantage de cette technique, c'est qu'elle se combine très facilement à d'autres (voir la suite).

La technique du “Mais vous êtes libre de …” :
Avec ce petit bout de phrase, vous pouvez augmenter considérablement le taux d’acceptation à votre requête.

La technique du “Un peu c’est mieux que rien…” :
Cette petite phrase légitime mêmes les contributions les plus modestes.

Exemple : "Même un centime nous aiderait."

Personne ne refuserais de donner un centime, l'autre se sent donc obligé d'accepter. En même temps, personne ne donnerait qu'un seul pauvre centime. Voila alors l'autre obligé de donner plus que la somme demandé.

La technique du “Ce n’est pas tout!” :
Cette technique consiste à présenter une offre suivie d’un, deux, trois… ou plus encore d’avantages (bonus, cadeaux). Exemple : dans les foires, il y a toujours un forain qui vend des ustensiles de cuisine.

"Cet ustensile est merveilleux, non seulement il ne prend pas de place, il vous facilite la vie et en plus il n’est pas cher : 53€ ! Mais ce n’est pas tout! Si vous l’achetez maintenant, ce n’est pas 1, ni 2, ni 3… mais bien 10 (oui, vous avez bien attendu!) 10 accessoires gratuits que vous aurez en plus!"

Le prix de l'ustensile vous a semblé aberrant ? Mais avec tout ces accessoires, il est finalement justifié. Et ainsi, vous finirez surement par l'acheter au prix fort, alors que vous n'aviez pas besoin de toute ces accessoires, et qu'il aurait mieux valu l'avoir seul et moins cher.

La technique du pied dans la mémoire :
Cette technique consiste à demander à la personne manipulée de fouiller dans ses souvenirs afin de la conditionner pour une demande dans le futur. C’est un pied dans la porte plus sophistiqué.

Exemple : on arrête un conducteur, on lui demande de se rappeler de sa dernière infraction, sans qu’il la dise. Ce conducteur sera alors plus vigilant sur la route, essayant de ne pas refaire la même erreur.

VII. Vers des manipulations plus complexes


Un toucher dans le pied dans la porte :

Le toucher renforce le pied dans la porte avec demande implicite ou explicite.

Exemple : un vendeur de pizza attrape un client par l’avant-bras et lui propose de goutter la pizza LaSuperPizza. Cela va pousser le client à acheter de la LaSuperPizza par la suite, bien plus que s'il lui avait seulement proposé.

Étiquetage dans pied dans la porte :

Si vous demandez à quelqu’un de vous aider à trouver votre chemin et que vous lui dites ensuite qu’il est “une personne honnête et serviable” (étiquetage), la personne ainsi manipulée a plus de chance d’être “honnête et serviable” dans les heures qui suivent.

Exemple : Une personne étiquetée comme honnête et serviable aura plus de chance de rendre le billet tombé de la poche d’un passant.

Evidemment, bien utilisé, cela peut être utilisé pour obtenir quelque chose de quelqu'un, comme un pied dans la porte classique. Toute la subtilité est de trouver un étiquetage qui corresponde à la demande qu'on veut faire au final.

Double pied dans la porte :

Cette technique est la même technique que la technique du pied dans la porte mais elle ne se fait non plus en 2 requêtes mais en 3 :

  1. Une action préparatoire peu coûteuse
  2. Une seconde action un peu plus coûteuse
  3. L’action finale désirée

Exemple : votre fille vous demande si sa copine peut passer la voir ce soir avant le repas. Vous dites : “Il n’y a pas de problème!”

Arrivé l’heure du repas, elle vous demande si sa copine peut rester manger à la maison ? Vous dites “Bon d’accord mais il faut prévenir ses parents.”

Vous les appelez et là votre fille vous demande sa véritable requête : “Est ce qu’elle peut rester dormir à la maison?”

Double porte au nez:

Cette technique est la même technique que la technique de la porte au nez mais elle ne se fait non plus en 2 requêtes mais en 3 :

  1. une requête trop coûteuse,
  2. une requête un peu moins coûteuse,
  3. l’acte final désiré.

Exemple : votre femme vous demande :

"Maman va venir chez nous pendant 2 semaines pour se reposer.
- Quoi ? Ah non, ça ne va pas être possible!
- Bon, une semaine alors?
- Une semaine, c’est long.
- Et si elle reste seulement le weekend prochain, ça te va?
- Bon, OK…"

En fait, votre femme voulait dès le départ que sa mère passe le weekend à la maison, mais elle savait que vous alliez refuser. Alors autant proposer une requête que vous allez forcément refuser pour faire semblant de négocier et obtenir ce qu’elle veut ensuite.

L’engrenage :

Cette technique consiste à obtenir d’une personne, après chaque acceptation, des comportements de plus en plus coûteux.

Elle a permis à de jeunes étudiants de faire une abstinence de tabac de 18h à 7 jours!

Voilà l’expérience qui a été menée à ce sujet (c'est l’expérience la plus complexe à l'heure actuelle dans le domaine de la manipulation) :

  1. Des chercheurs ont interrogés des étudiants fumeurs sur leur consommation quotidienne (pied dans la porte).
  2. Ils ont proposé à ceux qui fumaient plus de 15 cigarettes par jours une expérience d'une heure rémunérée 30 francs (appât). Tous acceptèrent.
  3. Il leur fut révélé au moment de la prise de rendez vous pour le début de l’expérience qu'elle durait bien une heure, mais répartie sur deux fois une demi-heure à 18h d'intervalle (révélation d'une partie du coût réel). Tous acceptent.
  4. Lors de la première session d’expérience, on annonce aux sujets que l’expérience consiste à passer un test, arrêter de fumer jusqu’à la deuxième session, et repasser un test, le tout pour étudier l'état de la cigarette sur les performances intellectuelles (révélation du coût réel n°2). 95,2% d'acceptation.
  5. L’expérience ne s'arrête pas là. Au retour des étudiants, on leur proposa de continuer l’expérience jusqu'à atteindre 3 jours de privation, contre 120 francs supplémentaires, ce qui est peu a coté du sacrifice demandé (on rappelle que ces fumeurs consommaient plus de 15 cigarettes par jour !). 91,7% d'acceptation. Contre 25% dans un groupe contrôle ou on proposait directement aux fumeurs les trois jours de privation pour 150 francs. La différence est énorme.
  6. Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? L’expérience fut poursuivie jusqu'à une semaine, et 40% des sujets revinrent. Contre 0% d'acceptation dans un groupe contrôle ou l'on proposait une semaine de privation.

Cette expérience démontre la puissance de la manipulation si elle est correctement pensée et utilisée.
Autre résultat intéressants ? la consommation des sujets ayant arrêté de fumer une semaine diminue en moyenne de 14 cigarettes par jour. Et cet effet est durable dans le temps. Merci à la théorie de l'engagement...

VIII. La manipulation au quotidien ?

A. Amitié et Commerce

Les techniques de manipulation sont couramment utilisées dans les domaines du commerce et de la vente.

Pourquoi ? Tout simplement parce que la technique du pied dans la porte, par exemple, est bien plus efficace que toutes les techniques de persuasions. En fait, expérimentalement, les chercheurs ont remarqué que la séduction donne plus de résultats que l’argumentation.

Et pourtant certaines techniques que l’on sait efficaces sont très peu utilisées.
La porte dans le nez, par exemple, est très peu utilisée. On pourrait l’assimiler à du marchandage et non comme de la manipulation.

Voici un exemple : un ami va vous demander 150€. Vous lui refusez! Mais vous acceptez de lui prêter 50€…

Cependant, il n’existe pas d’exemple réel utilisé dans le commerce. Pour ne plus se faire manipuler par ses amis ou les marchands, il faudrait, avant de lui répondre, demander : Qu’attends-tu de moi exactement?

Le problème dans la manipulation c’est que certaines techniques sont illégales. C’est le cas de l’amorçage.

L’amorçage est le cas le plus classique. Il commence toujours par une petite question à laquelle on ne peut répondre que oui (au moins par politesse car on se sent socialement obligé).

Voici un exemple : le marchand vous promet une offre promotionnelle formidable sur un article.
Mais lorsque vous rentrez dans son magasin, le produit n’existe plus… Vous en profitez tout de même pour regarder les autres produits… pour peut-être faire un achat! Le marchand a réussi sa manœuvre! C’est cet avantage qui réveille notre curiosité. On ouvre la porte du magasin avec une décision d’achat. Entré dans le magasin, on apprend que le produit convoité n’existe plus ou seulement dans une couleur et une taille qui ne se vend pas. Ou alors, on découvre le prix réel du produit (il fallait lire les petites lignes en bas à droite de l’affiche). Finalement, le but du manipulateur est de vous faire rentrer dans son magasin avec, en plus, un désir d’achat!

Dans le domaine de la séduction, un pied dans la porte classique est le coup du “dernier verre” qui l’acte préparatoire à “plus si affinité”.

Dans le domaine du commerce, le démarchage est un pied dans la porte (c’est peut-être même de là que vient l’expression). Réussir à entrer chez vous est l’acte préparatoire à votre achat de l’encyclopédie en 24 volumes! Pourtant le vendeur ne se dit pas manipulateur mais convainquant…

Il faut savoir également que tous nos choix sont manipulés par les publicités. Les arguments que l’on donne quand on nous demande pourquoi nous avons acheté tel ou tel produit se trouvent… dans les publicités elles-mêmes!!! Et cela, même si ce n’est pas vrai!

B. Autorité et pédagogie

Si votre chef veut obtenir quelque chose de vous, il faut :

  • Soit qu’il vous persuade,
  • Soit qu’il vous convainque,
  • Soit… qu’il vous manipule!

Par son autorité, il devrait obtenir ce qu’il veut. Cependant, pour garder de bonnes relations et obtenir de meilleurs résultats de votre part, il faut que vous vous sentiez libre de faire ce qu’il vous demande.

Donc, il faut qu’il vous manipule! Cela semble immoral mais finalement, par la manipulation, tout le monde est content!

Afin de prendre de grandes décisions stratégiques dans une entreprise, la méthode la plus efficace est de passer par un animateur de groupe. L’animateur connait la décision à prendre mais ne l’impose pas. Il conduit l’analyse par le groupe vers une décision qu’ils vont pendre eux même. Vous voyez l’astuce? L’animateur amène le groupe à accepter en toute liberté un comportement voulu! Le groupe s’engage dans une prise de décision qui n’est pas aussi libre qu’on veut lui présenter.

L’expérience montre finalement que l’analyse et les explications sont bien moins efficaces que la persuasion et l’influence. Dans le domaine éducatif, on peut également remarquer que la manipulation est plus efficace que l’autorité.

Une éducation fondée sur la théorie de l'engagement (amener les enfants à se croire libre de faire ce qu'on attends d'eux) est plus efficace (et c'est démontré) qu'une éducation autoritaire.

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